Plusieurs siècles avant notre ère, à une date non connue, Tolosa fut fondée par un peuple ibéro-aquitain. Puis au IIIème siècle avant JC la ville passa aux mains d'un peuple celte appelé Volques Tectosages. Mais c'est à l'empereur romain Auguste (27 av. JC - 14 ap. JC) que l'on doit sa (re)fondation à son emplacement actuel, quelques kilomètres en aval de son site d'origine.
Fondée à une époque mal connue sur l'emplacement actuel de la commune de Vieille-Toulouse, Toulouse était initialement un oppidum, c'est à dire une agglomération fortifiée campée sur une hauteur (il existait toutefois des sites secondaires dans la plaine). Cet oppidum était le plus vaste du sud de la Gaule, comparable en surface à celui de Bibracte. On ignore tout ou presque de ses fondateurs mais on sait qu'au IIIème siècle avant notre ère la ville passa aux mains des Volques Tectosages. Dès le milieu du IIème siècle avant JC les Tectosages s'allièrent à Rome et Toulouse commença à commercer avec le monde romain. Cette entente fut éphémèrement troublée vers l'an 106 av. JC quand les Cimbres et les Teutons firent trembler Rome, les Tectosages eurent alors la mauvaise idée de mal choisir leur camp. Rome le leur fit payer pendant quelques années, le consul Scipion vint piller le trésor de Tolosa dédié aux dieux (et qu'on a un temps pensé pillé antérieurement à Delphes, à tort). Il n'en tira pas grand profit car il fut battu et dépouillé peu après à Orange par les Cimbres, ses adversaires politiques au sénat romain le présentèrent alors comme victime de la malédiction de l'or de Toulouse, une expression qui devint proverbiale et fit florès très longtemps et qu'on traduirait de nos jours à peu près par "bien mal acquis ne profite jamais". Mais après ces quelques soubresauts, les décennies suivantes virent la ville continuer à s'intégrer toujours plus à la Transalpine, province que les Romains considéraient comme une deuxième Italie et qui devint la Narbonnaise sous le règne d'Auguste.
Vers le milieu du premier siècle avant JC, avant même le déplacement de Toulouse dans la plaine, la Tolosa celte se mit à utiliser la brique cuite : une première en Gaule en l'état actuel des connaissances.
Visible au musée Saint-Raymond, cette maquette des fouilles du fanum de Vieille-Toulouse reproduit les vestiges de ce qui est considéré comme le plus ancien bâti en brique de la Gaule, témoin d'un programme de constructions d'inspiration italique :
Les premières briques et tuiles romaines utilisées pour l'édification de Toulouse étaient donc déjà apparues sur son premier emplacement. Le musée Saint-Raymond conserve des briques romaines dites "lydienne" (dallage et murs), "tegulae" et "imbrices" (toit), "quart-de-rond" (colonnes). La brique romaine à Toulouse s'est d'abord trouvée en deux formats : l'un utilisé pour la construction de la ville, aux dimensions de 45 x 30 x 5 cm (brique lydienne), l'autre utilisé pour le rempart et l'aqueduc, aux dimensions de 36-38 x 22-24 x 4 cm issues du pentadoron grec. Un peu plus tard, une brique plus petite de 32 x 20 x 3,5 cm sera également produite (tetradoron). Pour mémoire les dimensions standards d'une brique foraine actuelle sont de 42 x 28 x 5 cm.
Les fragments de briques estampillées retrouvés permettent l'identification de nombreux briquetiers de l'époque antique :
Lorsque sous le règne d'Auguste il fut décidé de fonder une nouvelle Tolosa, son emplacement ne fut pas choisi au hasard. La paix romaine régnait depuis longtemps dans la région et il n'était plus besoin d'avoir une position défensive sur une hauteur. L'ancienne Tolosa celte abritait déjà une garnison, frappait monnaie romaine et était dirigée par une aristocratie en voie de romanisation. Eh oui, à l'époque de la guerre des Gaules Tolosa ne tenait pas pour Vercingétorix mais bien pour Jules César ! La nouvelle ville romaine fut donc fondée pour faciliter le commerce et la colonisation : près du dernier gué avant l'océan permettant de traverser la Garonne et sur une terrasse insubmersible la mettant à l'abri des crues tout en bénéficiant des facilités offertes par le fleuve pour le transport des marchandises. L'ancienne Tolosa, moins bien placée au regard de ces nouveaux critères, périclita rapidement au profit de la nouvelle.
Toulouse n'est pas le seul exemple de ville "déménagée" par les Romains : Bibracte devint Autun de la même manière et à la même époque. Mais dans notre cas, il est notable que la ville conserva le même nom en s'installant dans la plaine.
Située sur le coude le plus à l'est de la Garonne, la ville nouvellement fondée devint rapidement un centre urbain important, sa position à l'extrémité de la Narbonnaise et au milieu de l'isthme gaulois ouvrait les villes du nord et de l'ouest au commerce romain. Sur la Garonne transitaient vers et depuis Toulouse le vin, le fer, le blé, le marbre, des produits agricoles et toute denrée que les amphores romaines permettaient de conserver et de transporter.
L'an 14 de notre ère, année de la mort d'Auguste, vit l'achèvement de grandes réalisations : l'érection de portes monumentales, l'arrivée de la voie impériale depuis Narbonne, la construction de l'aqueduc (servant aussi de pont) sur la Garonne... à cette époque la superficie de la cité était de 90 hectares, soit environ la moitié de Narbonne ou de Nîmes qui étaient les plus grandes villes de la province.
Tête sculptée de l'empereur Auguste (musée Saint-Raymond) :
Dès le début de la construction de la nouvelle Tolosa les Romains utilisèrent largement la brique. L'ouvrage le plus frappant de cette époque fut sans doute le rempart de Toulouse, ouvrage honorifique plus que de défense, long de 3 kilomètres et enserrant 3 côtés sur 4 de la ville (sauf le côté bordant la Garonne). Sa construction nécessita 10 millions de briques et 3000 tonnes de pierre calcaire tirée des carrières du piémont pyrénéen. Monument onéreux, hors de portée des ressources financières locales, il était un don de l'empereur et la ville en tirait fierté d'autant plus qu'il forçait l'admiration des voyageurs. Il était notamment célèbre pour la particularité unique en Gaule d'être réalisé en opus testaceum (maçonnerie de brique). Son architecture mixte de pierres, galets et briques était tout à fait originale et en faisait l'aboutissement d'une lignée d'enceintes romaines utilisant la brique, peu nombreuses mais réputées. Avec celle d'Alba Pompeia, elle avait l'originalité d'avoir considéré à grande échelle les parements comme des éléments de coffrage de l'ensemble des parois (voir "Toulouse naissance d'une ville", pages 163-164).
L'enceinte tint finalement son rôle défensif plusieurs siècles après sa construction, en repoussant notamment les Vandales en 410, les armées arabes d'al-Salam en 720, les troupes de Charles le Chauve en 844 et les Normands en 864. C'est finalement Simon de Montfort qui la fit abattre au début du XIIIème siècle, en pleine croisade contre les albigeois, pour éviter une révolte des Toulousains que cette mesure drastique n'empêcha pourtant pas.
Au sous-sol du magasin Uniqlo, près d'une partie conservée des fondations de l'enceinte, sont disposés des panneaux explicatifs bienvenus sur les caractéristiques de ce rempart unique :
Avec le temps la cité devint de plus en plus développée et opulente, elle se dota de temples, de théâtres, d'un amphithéâtre, de thermes et d'égoûts. Les deux voies principales, le cardo et le decumanus, se croisaient au forum où se trouvait le Capitole de l'époque et que l'on situe vers l'emplacement de l'actuelle place Esquirol. C'est à ce Capitole-là, et non à l'actuel (dont le site ne fut établi qu'au XIIème siècle), qu'il est fait référence dans la Passion de saint Saturnin.
Dès la fin du Ier siècle l'empereur Domitien avait donné à Toulouse le statut envié de colonie romaine et l'avait placée sous la protection de Pallas-Athéna (autrement dit Minerve), ce qui valut dès lors à la ville le surnom de palladia Tolosa, qualificatif renforcé par la réputation de son école de rhétorique. Au IVème siècle le poète bordelais Ausone attribuait à Tolosa le quinzième rang parmi les villes de l'empire, mais il semble difficile de juger de la crédibilité d'un tel classement. Une chose est sûre toutefois : quand l'empire romain s'écroula sous les coups des barbares, c'est Toulouse que les Wisigoths choisirent pour capitale de leur royaume qui allait de Gibraltar à la Loire, pendant presque 100 ans, jusqu'à la défaite d'Alaric contre Clovis en 506 à Vouillé qui rejeta les Wisigoths en Espagne.
Crédit photo : Céline Bonnal
De cette glorieuse antiquité il ne reste malheureusement pas grand-chose. La brique des anciennes constructions étant facilement réutilisable pour en édifier de nouvelles, les Toulousains du haut moyen-âge ne se privèrent pas de puiser à cette source facile de matériau, de sorte que les mêmes briques romaines furent au fil du temps réutilisées de démolitions en reconstructions. Certains édifices historiques debout aujourd'hui en possèdent de nombreuses dans leur chair : le musée Saint-Raymond, la basilique Saint-Sernin (utilisées au début de sa construction), et d'autres telles les plus vieilles demeures de la rue Croix-Baragnon...
Quant aux pierres calcaires, que les Romains allaient chercher dans les carrières du piémont pyrénéen à 70 kms de Toulouse, elles furent sans doute en grand nombre calcinées dans des fours à chaux - tel celui qu'on a découvert sous le musée Saint Raymond - pour produire la chaux nécessaire aux mortiers, ce qui expliquerait la relativement faible épigraphie retrouvée à Toulouse comparativement à d'autres anciennes cités romaines où la pierre, plus présente dans l'environnement immédiat, n'a pas incité les habitants à ce recyclage peu respectueux du passé.
Le four à chaux du musée Saint-Raymond (IVème-Vème siècle) :
Le plan des rues du coeur historique témoigne également de cette origine romaine, puisqu'il est assez semblable à celui de la ville antique. Les cardo et autres decumanus ont été repris par les axes de la ville moyennageuse puis se sont perpétués jusqu'à nos jours.
Mais sans doute est-ce le modèle de la brique foraine elle-même qui constitue l'héritage le plus précieux de ce passé romain, son format en est directement issu.
Notez qu'il existe quelques autres vestiges non montrés à ce jour sur cette page faute de photographies (thermes d'Ancely et autres...).
Dans le quartier de Purpan il reste quelques vestiges d'un grand amphithéâtre de briques et de galets utilisé pour les combats de gladiateurs et les chasses, ce vaste site de 115 mètres de long fut initialement conçu pour accueillir 7000 spectateurs avant d'être agrandi au IIIème siècle pour atteindre une jauge d'environ 12.000, peut-être sous l'influence de l'empereur Maximien Hercule qui avait séjourné non loin à Chiragan. Il était situé à l'écart de la ville comme c'était généralement le cas pour ce genre de construction.
Les briques de ce lieu ont été largement pillées au fil du temps pour être réemployées ailleurs, une carte du cadastre de 1532 désigne d'ailleurs l'endroit sous le vocable de "l'aire de la tuilerie contentieuse", signe sans doute que le pillage des "tuiles" (briques) avait donné lieu à des procès.
L'arche de l'entrée a été refaite lors de la restauration du site pour donner une idée de ce qu'elle était voilà presque 2000 ans. Un bon nombre des briques que vous verrez sur les photos de cet amphithéâtre sont dues à la restauration de la fin du XXème siècle et ne sont donc pas d'origine, à l'exception peut-être de celles utilisées dans les vomitoires (les espèces de tunnels) qui figurent sur un dessin du XIXème siècle :
Cette statue est une copie moderne en résine :
L'endroit où l'on peut le mieux voir la spécificité de cette muraille toulousaine : une assise de pierre surmontée de brique, elle atteignait 8 mètres de haut et comptait une tour tous les 50 mètres. Ces briques-ci par contre sont bien d'authentique origine romaine.
Au sous-sol du Théâtre National de Toulouse (TNT) ont été remises en valeur les fondations d'une partie de la muraille (pierres et galets).
Les fondations du rempart sont aussi visibles dans le sous-sol du magasin Uniqlo, jusqu'à hauteur des moellons.
A la fin du IIIème siècle le rempart de Toulouse fut prolongé le long de la Garonne (alors que jusque-là il ne couvrait que 3 côtés de la ville, étant de fonction honorifique). Cette partie du rempart fut faite plus hâtivement avec des matériaux divers, dont notamment des restes de monuments funéraires antérieurs. C'est pourquoi de manière très curieuse de nombreux ornements sculptés sont encastrés dans la muraille. Certains ont été récemment dégagés du mur et exposés, d'autres sont encore visibles dans le mur antique. En voilà un échantillon.
Cette maison où Saint-Dominique créa l'ordre des frères prêcheurs en 1215 est l'une des plus anciennes de la ville, elle s'appuie sur l'ancienne muraille romaine dont on a laissé un pan visible de la rue.
Vestiges visibles jusqu'à la réfection récente du square, actuellement enterrés mais que la municipalité se propose de remettre en valeur.
Crédit photo : Lucien Sultra
Crédit photo : Lucien Sultra
Crédit photo : Céline Bonnal
Crédit photo : Céline Bonnal
Crédit photo : Céline Bonnal
Crédit photo : Céline Bonnal
Crédit photo : Céline Bonnal
Sans doute la seule tour de l'enceinte romaine qui se dresse encore, car réédifiée au Moyen-Age.
Crédit photo : Céline Bonnal
Une résurgence de l'aqueduc romain est visible au Mirail. Cet aqueduc, qui servait aussi de pont sur la Garonne, collectait les sources des hauteurs de la rive gauche pour en distribuer l'eau à la ville romaine, sur la rive droite.
Crédit photo : Damien Bouet
Quelques illustrations ont été faites à partir des ruines trouvées, notamment lors du creusement du parking du Capitole au début des années 70 où les vestiges de la monumentale porte nord de la ville furent mis au jour (puis détruits, à l'époque on s'embarrassait peu d'archéologie) :
- Aquarelle de la porte nord par Jean-Claude Golvin.
- Illustration de la porte nord par le Studio Différemment.
- Illustration du théâtre romain par le Studio Différemment.
Dans ce musée abrité dans un ancien hôpital du XIème siècle jouxtant Saint-Sernin (devenu collège au XIIIème siècle), reconstruit en 1523 par Louis Privat, se trouve une des principales collections d'antiquités de France.
Les oeuvres qui s'y trouvent ne viennent pas toutes de Toulouse tant s'en faut, elles nous parlent de ce que fut la prospère Narbonnaise romaine. Certaines viennent d'aussi loin que Béziers, d'autres de riches villas plus proches comme celle de Saint-Rustice ou celle de Chiragan à Martres-Tolosane, cette dernière considérée comme la deuxième plus importante villa impériale d'Europe après la villa d'Hadrien près de Rome.
Parmi ces étonnantes merveilles, la collection des bustes d'empereurs et la suite sculptée des travaux d'Hercule côtoient des répliques romaines de chefs-d'oeuvre grecs dont les originaux ont disparu tels l'Athéna de Miron, l'Eros de Praxitèle ou la Vénus de Cnide... liste non limitative dont je ne vous montrerai ici qu'un échantillon.
Océanus, fragment de mosaïque découvert à Saint-Rustice (Haute-Garonne):
Thetis et Triton, mosaïque découverte à Saint-Rustice :
La collection de bustes d'empereurs romains trouvée à la villa Chiragan (Haute-Garonne) est la deuxième au monde après celle du musée du Vatican. Lorsqu'un empereur romain succédait à un autre, il suffisait de remplacer son buste ou même juste sa tête pour le (ou la) placer sur le corps déjà sculpté :
Masques scéniques (villa Chiragan) :
Tête de Vulcain (villa Chiragan) :
Les travaux d'Hercule, un ensemble unique au monde (villa Chiragan) :
Le rapt de Proserpine (villa Chiragan) :
Tête de la déesse Isis (Chiragan). Où on découvre que les "anglaises" n'ont pas été inventées par les Anglais ! :
Médaillon de la déesse Minerve timbrée de la tête de la gorgone Méduse (villa Chiragan) :
Tête d'Aphrodite dite Vénus de Martres (Chiragan). Superbe copie romaine de la tête de la célèbre Aphrodite de Cnide du sculpteur grec Praxitèle (IVème siècle avant JC), sculpture disparue mais connue à travers ses diverses copies romaines :