Je commencerai cette page en montrant quelques vieilles demeures qui ne sont pas considérées comme des hôtels particuliers mais qui en sont les précurseurs. Construites en brique à une époque où la ville était alors essentiellement faite de bois et de torchis, elles sont de rares et précieux témoins que les siècles ont épargnés comme par miracle.
56 rue du Taur, XIIème siècle.
la tour Maurand n'est plus que l'ombre de ce qu'elle fut à la fin du XIIème siècle puisqu'elle atteignait autrefois plus de 25 mètres de hauteur, il en reste toutefois suffisamment pour témoigner du style roman dans l'architecture privée.
Son propriétaire, Pierre Maurand, était riche et puissant, mais il fut condamné pour hérésie (il était cathare) en 1178, donc bien avant la croisade des Albigeois. Les dimensions de son ostal bâti en brique rivalisaient avec celles du château narbonnais, résidence des comtes de Toulouse. Pour expier sa foi cathare il dut en araser les tours à titre de punition. Des ouvertures d'alors, il reste les lancettes étroites éclairant la salle voûtée du rez-de-chaussée et le contour des baies doubles qui est encore visible dans la maçonnerie à côté des fenêtres percées au XIXème siècle.
Pour en savoir plus, ne manquez pas les commentaires et illustrations du Studio Différemment.
Le sous-sol :
Le rez-de-chaussée :
Le premier étage :
La tour Vinhas date du 13ème ou début 14ème s. Entrée par le 10 rue Temponière.
Contrairement aux tours dites capitulaires elle n'est pas une tour d'escalier mais une tour d'habitation (tout comme la tour Maurand vue ci-dessus), l'escalier à vis est logé dans la tourelle d'angle qui court sur toute la hauteur de la tour, mais il n'est semble-t-il plus pratiquable. Elle faisait autrefois partie d'un ensemble beaucoup plus vaste ayant appartenu à une riche famille de changeurs qui compta de nombreux capitouls aux XIIIème et XIVèmes siècles : les Vinhas.
Malgré sa haute taille elle est difficilement visible depuis le sol car située au coeur d'un moulon. Elle peut facilement être vue depuis la deuxième cour de l'hôtel Boysson-Cheverry, mais c'est sa face ouest refaite au XVIIème siècle (et cimentée qui plus est !) qu'elle nous montre alors. Mieux vaut si c'est possible l'observer depuis les toits de Toulouse.
15 rue Croix-Baragnon, façade datée des alentours de l'an 1300 (à l'exception du dernier étage plus récent).
En plein coeur de Toulouse, voici une façade qui ne déparerait pas à Figeac ou Cordes/Ciel.
La façade rythmée par des baies jumelles de style gothique est soulignée par de fins cordons de pierre sculptée évoquant l'époque romane. Sont également conservés la grande porte et deux grands arcs ouvrant sur les boutiques. Cette rue était autrefois le principal axe est-ouest de la ville et les propriétaires ne dédaignaient pas un surcroît de ressources dû aux loyers versés par les boutiques occupant le rez-de-chaussée.
Sur les bandeaux de pierre sont sculptés des êtres et monstres hybrides, inspirés de ceux habitant les marges des manuscrits de l'époque et illustrant les thèmes de la chasse et de la musique.
18 rue Peyrolières. Ce vieil hôtel a été presque entièrement refait au XVIIème siècle. Seules sont demeurées, dans la cour, la tour gothique capitulaire datée du XIVème siècle et des fenêtres du XVème siècle.
Dans la cour (sans grand charme), une des plus vieilles tours capitulaires de Toulouse. Notez qu'on voit encore une partie de la porte gothique d'origine, remplacée au XVIIème siècle :
26 rue des couteliers. Deuxième moiié du XVème siècle.
Il ne reste dans la cour que quelques vestiges de cet ancien hôtel de capitouls : une fenêtre gothique bien préservée ainsi que les croisillons d'une autre.
Se tenait à cette adresse l'ancienne demeure des deux frères Reste : Simon, capitoul en 1453, et Jean, capitoul en 1471, 1488 et 1503, marchands associés qui tenaient boutique sur la rue.
Façade sur rue plus récente mais au beau corondage de massécanat :
La cour a été refaite, ne subsistent du XVème siècle que deux fenêtre gothiques :
De cette fenêtre ne subsistent que les croisillons :
Visible par la cour intérieure du 25 rue des changes. Fin du XVème siècle. Appelée aussi Tour Delcros-Lancefoc.
Belle tour capitulaire octogonale, sa tourelle est couronnée d'une pointe de pierre en chou frisé de style gothique flamboyant.
Au premier plan la tour Lancefoc (15ème siècle), au second plan la tour de Serta (16ème siècle) :
20 rue de la Bourse. Hôtel terminé en 1495.
Pierre Delfau fut l'un des premiers marchands à faire fortune dans le commerce du pastel, il espérait devenir capitoul (et y gagner la noblesse) mais n'y réussit pas avant sa mort. De nombreux éléments architecturaux de style gothique ont été conservés : portail, boutiques, cour et tour.
Le heurtoir de la porte :
Voici le blason de Pierre Delfau : une double croix - symbole de la maîtrise des marchands - surmonte un coeur timbré d'un losange :
L'intérieur et ses voûtes :
Comme souvent, la tour capitulaire n'est visible que de la cour intérieure :
6 place St Etienne, aussi appelé hôtel de Saint-Romans. Cour de la fin du XVème siècle, tour remaniée.
25 rue Gambetta. Hôtel du XVIIème siècle.
Rien à voir en façade sur rue, c'est la cour majoritairement du XVIIème siècle qui retient notre attention. La tour est un exemple rare à Toulouse de tour bâtie au-dessus du porche, elle est décorée de deux bustes qui pourraient être issus d'un bâtiment Renaissance précédent, peut-être des années 1520-1530.
Sur les toits se trouve un bas-relief représentant Hercule combattant l'hydre de Lerne, il devait initialement se trouver au-dessus d'une porte. Voir cet article de la Dépêche du Midi.
43 rue Gambetta. Hôtel du XVIIème siècle. Aussi appelé hôtel Puget.
Bien que domicilié rue Gambetta cet hôtel est situé à peu près au centre derrière les arcades du Capitole. De nos jours seules deux façades de la cour intérieure sont restées d'époque.
Il est difficilement accessible mais est de la même époque (années 1620) et du même style que l'hôtel Comère du 3 rue St Rome, qui est plus visible.
3 rue Saint Rome. Hôtel du XVIIème siècle.
Hôtel de style Louis XIII aux fenêtres à meneaux sculptés et au décor de bossage alternant brique et pierre. Même style que l'hôtel Maleprade vu ci-dessus.
L'hôtel Comère possède une belle cour de brique qui se cache rue Tripière derrière un portail monumental de brique taillée :
21 rue Saint Rome. Hôtel du XVIIIème siècle.
13 rue Peyras. Hôtel du XVIIème siècle.
Cet hôtel donne à voir une triste façade sur rue recouverte de ciment ou de crépi gris (dont je vous fais grâce) mais sa belle cour en brique présente mieux, avec par exemple trois petites gargouilles en forme de tête de lion (le dernier étage a probablement dû être rajouté ultérieurement) :
14 rue Peyras. Hôtel du XVIIème siècle.
43-45 rue des Tourneurs. Hôtel du XVIIème siècle. Aussi appelé hôtel Palaminy ou hôtel Sipière.
Derrière une monumentale façade sur rue du XIXème siècle, la cour abrite un superbe décor du XVIIème siècle datant du président au parlement (1620-1622) Jean-Pierre Desplats.
Si on y regarde bien, on s'aperçoit que ce lion louche !
3 rue du Lieutenant-Colonel-Pélissier. Hôtel du XVIIème siècle. Aussi appelé hôtel Duranti ou hôtel de Caulet.
L'arrière de cet hôtel a été intégré à l'immeuble des Galeries Lafayette, mais sa façade a été préservée.
19 place Saint-Georges. Hôtel du XVIIIème siècle.
Mis en valeur par son bel emplacement place Saint-Georges, cet hôtel fut bâti en 1745 sur l'emplacement de maisons victimes d'un incendie. Sa façade de 13 travées est due au peintre Guillaume Cammas, également auteur de la façade de l'hôtel de ville.
10 rue des arts. Hôtel du XVIIème siècle.
Cet hôtel reprend des éléments plus anciens ainsi que l'atteste un blason de 1477. Cour sans intérêt manifeste.
7 rue des arts. Hôtel des XVIIème (rez de chaussée) et XIXème siècles (étages). Aussi appelé hôtel de Nolet.
Dans la cour, belle composition avec tourelle en brique et galeries à arcades du 17ème siècle.
Dans la cour :
6 rue Croix-Baragnon / 2 rue d'Alsace Lorraine. Hôtel des XVIIème et XVIIIème siècles. Aussi appelé hôtel de Ciron ou palais consulaire.
Cet hôtel du XVIIème siècle, dont les façades sur cour ont été refaites vers 1770, devint au XIXème siècle le logis des archevêques de Toulouse, depuis le début du XXème siècle il abrite la CCI.
De 1948 à 1951 des décorations furent réalisées par de prestigieux artistes, toulousains pour la plupart, transformant l'hôtel de la chambre de commerce en véritable palais consulaire.
Allégorie de la Garonne opulente (1957) :
10 rue Croix-Baragnon. Hôtel de la fin du XVIIIème siècle. Aussi appelé hôtel Campaigno, hôtel de Saint-Jory, hôtel d'Andrieu de Montcalvel, hôtel de Caulet, et Maison du juge-mage.
Avant d'être complètement refait au 18ème siècle cet hôtel datait de la deuxième moitié du 15ème siècle, modernisé vers 1535 par le juge-mage Michel du Faur qui y a fait travailler Nicolas Bachelier sur des portes et fenêtres. Les sculptures de ce dernier sont visibles au Musée des Augustins.
La Société archéologique du Midi de la France fut fondée dans cet hôtel le 2 juin 1831 par le marquis de Castellane. Une belle rampe d'escalier du XVIIIème siècle est attribuée à Bernard Ortet.
Cet hôtel a fait l'objet d'une rénovation en 2021, à voir sur Youtube.
La rampe d'escalier de Bernard Ortet :
Je vous mets également des photos de sculptures se trouvant au Musée des Augustins (dans le petit cloître). Selon cet article de la Société Archéologique du Midi de la France cette fameuse "maison du juge-mage" aurait été le prédécesseur de cet hôtel de Castellane, et aurait eu le fameux Nicolas Bachelier pour sculpteur.
41 rue Croix-Baragnon. Hôtel du XVIIIème siècle.
Datant des années 1770-1771, cet hôtel dit de style Louis XVI a pourtant été bâti à la fin du règne de Louis XV. C'est qu'il était avant-gardiste, sa belle façade sur rue "à la grecque" avait été prévue d'emblée pour être enduite de chaux lui donnant un aspect blanc grisâtre, prenant les devants par rapport à l'ordonnance des capitouls de 1783 généralisant le blanchiment des façades toulousaines. Les refends taillés dans la brique accentuent cette imitation de la pierre pour en faire ce très beau témoin d'un retour du goût à l'antique qui gagnait alors toute l'Europe.
A l'exception du rez-de-chaussée en pierre de taille, il s'agit là d'un bel exemple - pas unique à Toulouse - de l'adaptation de la brique à un style dont la sobriété raffinée utilisait la pierre partout ailleurs en France.
Les balcons des 1er et 2e étages furent réalisés par le maître ferronnier Bernard Ortet, auteur quelques années plus tôt des balcons de la façade du Capitole.
Lors de sa construction, une pierre portant une partie du nom du propriétaire a été posée à l'envers... on ne sait si l'ouvrier s'est montré distrait ou s'il s'agissait d'une vengeance... ou peut-être ne savait-il pas lire ?
8 place Saint-Etienne. Hôtel du XVIIIème siècle.
Dans la cour intérieure se trouve une très belle tour de brique, ornée d'une fontaine moderne :
Sur la place Saint-Etienne, face à la cathédrale et à la préfecture, l'hôtel de Froidour et l'hôtel de Cambon :
14 place Saint-Etienne. Hôtel du XVIIIème siècle.
Au XIXème siècle cet hôtel particulier était en grande partie occupé par l'hôtel de France, où logeaient les personnalités de passage. En 1838 Chateaubriand (alors septuagénaire) y rencontra Léontine de Castelbajac avec laquelle il correspondait depuis des années et qu'il décrit dans ses Mémoires d'outre-tombe comme "l'Occitanienne".