Comme vous le constaterez ces hôtels du 16ème siècle se partagent entre ceux de style gothique et ceux de style Renaissance. A l'exception de l'hôtel du Vieux Raisin (1515 à 1525 pour la première campagne de construction), c'est dans les années 1530 que la Renaissance pose vraiment sa marque dans ces riches demeures privées toulousaines... mais on trouve ici et là encore du gothique après cette date.
4 rue Jules Chalande. Construit entre 1549 et 1562 en conservant la tour de Séguy du XVème siècle. L'hôtel fut remanié au XVIIIème siècle et il reste peu de choses visibles du XVIème siècle.
Dans la cour, la tour de Séguy (XVème siècle) :
Au sommet de la tour, la voûte a conservé les deux tiers de ses nervures et de leurs beaux culots sculptés du XVème siècle :
20 rue des changes. Aussi appelé hôtel de Campels. Pierre Delpech était marchand de pastel.
La façade sur rue est de la fin du XVIIIème siècle, c'est dans la cour que se trouvent les éléments gothiques et Renaissance : La tour et ses fenêtres gothiques, à l'exception de la porte, datent de la période entre 1513 et 1535. La porte et les fenêtres Renaissance sur cour sont pour leur part des années 1554 à 1560. Il existe également dans une deuxième cour d'autres décors Renaissance (pas de photos).
Dans la cour, tour gothique avec fenêtres aux culots sculptés :
La porte Renaissance de la tour :
Des fenêtres de style Renaissance complètent la cour, avec une inscription en latin sous chacune.
Sous cette fenêtre, l'inscription dit : QUI TIMENT DOMINUM NON ERUNT INCREDIBILES VERBO ILLIUS, "Ceux qui craignent le Seigneur ne seront point incrédules à sa parole". La famille delpech était très catholique, après avoir été apparenté à Pierre d'Assézat (par alliance), Pierre Delpech en devint un des ennemis les plus acharnés lors des guerres de religion.
Le sommet de la tour, avec sa tourelle pointue :
16 rue des Changes. Construit entre 1550 et 1570, remanié ensuite. Aussi appelé hôtel de Saint Germain.
Bâti à partir de 1568 pour Jean Astorg, capitoul en 1566-67, l'hôtel d'Astorg a un corps de bâtiment sur rue occupé en rez-de-chaussée par des boutiques. Les deux corps de bâtiment sur cour et celui sur rue sont desservis par deux escaliers en bois hors oeuvre remarquables par leur qualité et leur ancienneté, dont l'un est suspendu, et par trois niveaux de galeries. Il s'agit d'un rare exemple parvenu jusqu'à notre époque d'architecture de bois, laquelle était pourtant très pratiquée à Toulouse.
Dans la cour :
Les fenêtres Renaissance de la cour sont inspirées de celles de l'hôtel Delpech voisin :
Et voici l'escalier suspendu, notez que le long madrier qui fait l'angle de l'escalier ne repose sur rien ! J'y suis monté, ça tient... et ça tient même depuis des centaines d'années.
39 rue St Rome, datée de 1553.
Pas vraiment cataloguée comme un hôtel particulier, cette demeure en a l'allure et dans la cour se trouvent des fenêtres Renaissance de belle facture.
Ce médecin, qui fut celui de Catherine de Médicis, avait un remède très efficace contre la peste, fléau de l'époque : "Trois mots contre la peste ont plus d'effet que l'art : se retirer bientôt du lieu infect et s'en aller loin et revenir tard".
C'est de la terrasse de la cour intérieure que l'on peut admirer cette façade aux belles fenêtres, avec un décor sculpté mettant en scène des têtes d'Amérindiens.
19 rue des changes. Construit vers 1544.
Photos de la cour, avec une très belle tour Renaissance.
Arnaud de Brucelles fut capitoul en 1534-35, mais c'est vers 1544 que son hôtel fut achevé. La petite cour accueille une imposante tour d'escalier richement décorée. Au-dessus de chaque fenêtre se trouve un personnage représenté à mi-corps - alternativement un homme et une femme - habillé à l'antique et à la mode du XVIème siècle. Les chapiteaux des colonnes entourant chaque fenêtre reprennent la superposition des ordres d'architecture classiques : dorique, ionique, corinthien. A gauche de la tour, les balustres ornant les galeries superposées (non murées à l'origine) sont également à ordres corinthien, ionique et dorique.
Le personnage de la première fenêtre figure un homme vêtu à la romaine et tenant une corne d'abondance, il peut être vu comme une allégorie de la Fortune, une manière d'afficher la réussite du propriétaire.
Fenêtres Renaissance :
Dans l'escalier à vis se trouve une niche décorée des sculptures d'un homme et d'une femme vêtus à l'antique.
Sur les façades la brique paraît très abîmée...
... en réalité c'est un faux appareil de brique posé ultérieurement au XVIème siècle qui se délite.
19 rue Croix-Baragnon. Construit vers 1513 (cour).
Si on arrive à jeter un oeil dans la cour (pas facile...), on peut admirer la belle tour capitulaire. Ses fenêtres de style gothique flamboyant sont décorées de tympans sculptés représentant notamment un lion supportant un blason, le monogramme du Christ dans une hostie rayonnante, le Père éternel tenant un globe terrestre... La première fenêtre pour sa part est dotée de culots en forme de bustes humains, d'un style qui annonce la Renaissance proche.
Ci-dessus photo de Patrick Charrier (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
52 rue Pharaon
1 rue Malcousinat. De cet hôtel, seule la tour est du 16ème siècle (voire du 15ème siècle, certaines sources la datent de 1497). Un faux appareil de brique et de pierre recouvrant le tout, on pourrait même dire que des éléments visibles seuls les encadrements des fenêtres sont authentiques.
11 rue Malcousinat.
Cet hôtel s'organise autour de deux cours intérieures à ne pas manquer, elles sont heureusement largement ouvertes au public depuis que la Maison de l'Occitanie s'y est installée.
La tour capitulaire et le bâtiment qu'elle surplombe, de style gothique, sont dus au capitoul Hugues (ou Huc) de Boysson (vers 1468). On doit les autres bâtiments au capitoul de Cheverry, grand négociant du pastel (vers 1535). Ces divers bâtiments nous régalent de quelques remarquables fenêtres gothiques et Renaissance.
La première cour et la tour capitulaire gothique (15ème siècle) :
Une belle fenêtre de la Renaissance a été ajoutée à cette tour gothique :
Des gravures ont inspiré son décor Renaissance, comme ici ce modèle donné par Sebastiano Serlio :
(Illustration tirée de l'exposition "Toulouse Renaissance" - 2018)
La deuxième cour :
Voici ce qui est peut-être la plus belle fenêtre gothique de Toulouse :
Dans la salle qui sert d'accueil, une belle voûte à croisées d'ogives :
Avez-vous remarqué que les croisées de cette voûte forment le dessin d'une croix occitane ?
Le cul de lampe de la tourelle de la tour d'escalier est désormais pris dans le mur d'un bâtiment :
De même qu'une fenêtre Renaissance :
Ils sont passés par ici, dans la tour graffitis de visiteurs du XVIIIème siècle :
La terrasse en haut de la tour et la sympathique gardienne des lieux :
L'escalier fort étroit de la tourelle permettant l'accès à la terrasse :
3 rue Peyrolières. Construit vers 1503.
Attribué avec incertitude au capitoul Pierre d'Olmières, cet hôtel pourrait éventuellement être dû au président au Parlement Georges d'Olmières (1521). A l'exception de la tour qui reste authentique (tout de même rehaussée d'un étage de mirandes au 17ème siècle), les corps de bâtiment ont été remaniés ultérieurement.
Cet hôtel devait être démoli en 1544 lors de la construction du Pont-Neuf, mais une erreur dans le positionnement de la première pile du pont épargna involontairement l'hôtel d'Olmières.
8 rue du Taur, cour. Construit dans la deuxième moitié du XVIème siècle.
Dans une deuxième cour que je n'ai pu voir se trouve une tour ronde probablement de la même époque.
Le portail de style Renaissance est orné de décors en marbre, identiques à ceux des hôtels de Molinier et Dumay.
Dans la cour au-dessus de la porte, une devise stoïcienne : "NE TE QUAESIVERIS EXTRA" (ne te cherche pas en dehors de toi-même).
34 rue Peyrolières. Cet hôtel du capitoul Jean de Lagorrée est daté de la limite du XVIème et du XVIIème siècle.
Des deux portails presque jumeaux, celui de droite serait de la dernière décennie du XVIème siècle et celui de gauche du début du XVIIème. Le reste de la façade avec ses joints rubanés a été refait au XIXème siècle, ainsi que les bâtiments donnant sur la cour intérieure (pas de photo).
Le décor met en scène des croissants de Diane, qui supportent la croix du Languedoc à gauche et un globe crucifère à droite :
37 rue de la Dalbade. Cet hôtel du capitoul Pierre Bruni est daté de 1510.
Derrière une façade assez anodine du XIXème siècle, une tour aux lignes gothiques se dresse dans la petite cour intérieure.
Dommage toutefois qu'un ravalement récent de la cour ait complètement caché la brique sous un enduit jaune.
Une petite chauve-souris sculptée décore le cul-de-lampe de la niche à luminaire :
5 rue Boyer Fonfrède. Daté de 1522.
De l'ancien hôtel du capitoul de Gayssion, riche marchand du 16ème siècle, il reste notamment dans la cour intérieure une tour octogonale de style gothique de 19m de haut. De part et d'autre de la tour se trouvent de pittoresques galeries de bois et des fenêtres gothiques.
17 rue des changes. Daté de la fin du XVème siècle ou début XVIème siècle.
Cette demeure en pan de bois décoré fut la demeure d'un capitoul de l'année 1504. Le buste d'un petit personnage sculpté dans le bois est toujours visible sur l'étroite façade de la rue des changes. Plus haut des colonnes classiques ont été sculptées dans le bois (au XVIIème siècle ?).
Colonnes classiques sculptées dans le bois :
Façade côté rue Malcousinat :
7 rue du May. Construit vers 1553, puis 1585.
Edifié en deux campagnes (1553 puis surtout 1585), il est disposé autour d'une vaste cour caractéristique de la Renaissance dont le décor est enrichi de tables et cabochons de marbres polychromes pyrénéens. Cet hôtel abrite le Musée du Vieux Toulouse depuis 1948.
Au-dessus de la porte est gravée la devise TEMPORE ET DILIGENTIA, "Par le temps et l'application" :
Copyright : Dan Coq
Bâties pour la plupart (mais pas exclusivement) entre 1470 et 1530, les tours dites "capitulaires" passent pour avoir été l'apanage exclusif des capitouls. Or il n'en est rien, plusieurs d'entre elles ont en effet été érigées par des parlementaires, ou par des marchands non-capitouls (ou en tout cas pas encore capitouls au moment de leur construction). Leur rôle est avant tout utilitaire car ce sont des tours d'escalier généralement placées à l'angle d'une cour pour desservir deux corps de bâtiment. Mais certaines d'entre elles sont plus hautes ou plus ornées qu'il ne serait strictement nécessaire, ce qui en faisait également des objets de prestige social.
Plusieurs de ces tours du XVIème siècle existent toujours, certaines intégrées à un hôtel d'un siècle différent seront abordées plus loin (ou l'ont été précédemment). D'autres, esseulées, sont cachées dans des cours et je n'en ai de photos que pour certaines. Elles sont toutefois publiées et commentées dans l'excellent livre "Tours tolosanes" de Jean-François Gourdou, de sorte que je peux au moins faire une description textuelle de celles que je n'ai pas en photos.
Listons-en quelques-unes :
Tour de 1515, 13 rue Sainte Ursule.
Dans la cour, belle tour gothique d'une hauteur de 18,50m jusqu'à la terrasse et de 22,50m pour la tourelle coiffée d'un épi de faîtage de faïence verte.
Ancien hôtel de Boysson puis Mamignard, il n'en reste semble-t-il que la tour. La famille de Boysson donna plusieurs générations de marchands pastelliers aux 15ème et 16ème siècles.
La deuxième tour à droite semble plus petite à cause de la perspective, elle est en fait plus grande puisqu'elle fait 20 mètres (et 24 pour la tourelle). C'est celle du capitoul Jacques de Montserrat, elle est sise au 11 de la même rue et date du XVIIème siècle (1629).
2 rue Saint-Rome. Datée de 1529.
Surplombant une belle maison à corondage, la tour de Serta domine ce carrefour stratégique de l'ancienne ville nommé "Quatre coins des Changes", ainsi désigné car s'y trouvaient les banquiers. Une des rares tours bien visibles de la rue.
Le pinacle est incliné à cause de l'usure du joint à la chaux entre les briques, due au vent :
Tour de 1522, 7 rue Temponières.
Cette petite tour gothique n'a de tour que le nom car elle est plutôt basse (peut-être en allait-il autrement autrefois ?). Sa brique est bien mise en valeur, avec une belle porte de brique et de pierre. Elle donne accès à de magnifiques caves voûtées.
Voici ce qu'on peut en voir depuis la cour :
Les caves :
Crédit photo : Nicolas Lassabe
Crédit photo : Nicolas Lassabe
Tour de 1507, 37 rue des Marchands.
Cette tour gothique ronde de 20m est complètement enserrée au milieu de bâtiments plus récents au sein desquels elle joue toujours son rôle d'escalier à vis desservant les étages. De ce fait, seul l'intérieur en est visible. La voûte en haut de l'escalier est une coupole ogivale de brique avec 6 arcades en nervures reposant sur des culots de pierre sculptée.
La clé de voûte est ornée d'une marque de marchand, assez semblable à celle de l'hôtel Delfau :
Tour de 1510, 19 rue de la Trinité.
Dans la cour, tour hexagonale puis ronde sur le haut, à toit pointu en zinc visible d'assez loin mais pas de la rue. Avec paraît-il un bel escalier en bois.
Tour de 1504, 35 rue Pharaon.
Belle tour gothique haute de 16m, au sommet amputé et couvert d'un toit de tuiles. Escalier en bois également.
(Pas de photo)
Tour de 1527, 1 bis rue du Languedoc.
Tour gothique de 23m (25 avec la tourelle) avec une belle porte sur rue décorée d'une accolade gothique et d'animaux fantastiques.
Tour de 1520-1525, 39 rue Peyrolières.
Dans la cour, tour gothique de 19m aux murs extérieurs complètement cimentés. A l'intérieur l'escalier à vis en pierre a été remplacé par un escalier à colimaçon.
Tour de 1501, 3 rue des prêtres.
Plantée au milieu d'un moulon, cette tour gothique n'est visible que depuis les étages des immeubles proches. On la doit à Jean Roguier qui cumula les fonctions de capitoul (3 fois en 1500, 1511 et 1518) et de conseiller au Parlement. La balustrade de la terrasse aurait été refaite au XIXème siècle.
De nombreuses autres tours capitulaires d'autres siècles existent, on en verra un bon nombre avec les hôtels montrés plus loin (mais certainement pas toutes faute d'avoir des photos, se référer au livre Tours tolosanes que j'ai mentionné plus haut pour avoir un aperçu complet).