Les places à programme

Dans une ville où la variété des façades est la règle, deux places se distinguent par la volonté d'harmonie qui présida à leur conception : la place Wilson et la place du Capitole.

Le dessin de ces deux places fut réalisé par un même homme : Jacques-Pascal Virebent (1746-1831), architecte de la ville pendant près d'un demi-siècle (de 1782 à 1830). Il lui fallut bien cette longue période et beaucoup de ténacité pour mener à bien ces travaux au milieu des tempêtes que furent la Révolution puis la chute de l'Empire, sans parler des hésitations de la Ville toujours réticente à ouvrir les cordons de sa bourse. Encore Virebent ne vit-il pas la bonne fin de ses deux grands projets qu'il avait si bien lancés : la place Wilson - nommée place Villeneuve à l'époque - fut terminée en 1834 et la place du Capitole en 1852.

Ces deux places avaient toutefois été précédées au XVIIIème siècle par une réalisation de Joseph-Marie de Saget sur la rive gauche de la Garonne : la place Saint-Cyprien, quoique moins uniforme que ses consoeurs de la rive droite, pourrait sans doute être considérée comme la première place à programme de Toulouse... ce qui porterait leur nombre à trois.

Il serait en fait plus exact de parler de "façades ordonnancées", car techniquement parlant le terme de "place à programme" retenu pour cette rubrique n'est pas tout à fait juste, les places à programme ayant eu pour cadre l'Italie des XVème et XVIème siècles. Mais dans l'esprit c'est bien de cela qu'il s'agit, la création de ces places ayant obéi à un programme déterminé et planifié pour obtenir une uniformité architecturale. Et c'est bien l'effet qui fut recherché pour les grandes places royales de France, une place royale étant une "place à programme" au centre de laquelle on érigeait une statue du roi. La place du Capitole devait être une place royale, et elle en a du reste porté le nom, mais elle n'eut jamais la statue du roi prévue... sans doute à cause du temps qu'il fallut pour achever sa construction.

Les sources d'inspiration de Jacques-Pascal Virebent furent notamment la façade de l'hôtel des chevaliers de Malte de la rue de la Dalbade (fin 17ème siècle, pour laquelle l'architecte Rivalz s'était inspiré du palais Chigi de Rome) qu'il qualifiait de "plus belle façade qui se puisse voir à Toulouse" (à vous de voir...), la façade de l'hôtel des monnaies à Paris, et les façades de la rue de Rivoli, à Paris également, bâties quelques années plus tôt. Les façades dessinées par Virebent alternent de façon rythmique grande arcade fermée en plein cintre et travée étroite à porte rectangulaire et baie carrée, ce qui permettait de placer deux fenêtres dans chaque pièce (ce qui n'aurait pas été possible avec seulement des arcades, plus larges). On les retrouve sur tout le pourtour de la place Wilson et sur les côtés sud (de 1809 à 1812) et nord (de 1823 à 1835) de la place du Capitole. Le côté ouest de cette dernière, terminé en 1852 par l'architecte Jean Bonnal, étant pour sa part constitué d'un enfilement d'arcades ouvertes sur une galerie.

Cette architecture, qu'on a qualifiée de "mâle et sévère" et de "noble et simple", s'inscrit donc dans un style purement néo-classique très différent du style éclectique qui lui succèdera à Toulouse à partir des années 1830 et dont les fils de Jacques-Pascal Virebent seront des acteurs majeurs. Ses spécificités toulousaines tiennent à l'usage de la brique bien entendu, à l'absence de volets et à des toits en pente douce leur conférant un caractère italien.


Les places à programme de Toulouse